
La santé en jeu : Comment le retrait de l'USAID a mis en évidence la dépendance excessive de l'Afrique de l'Est à l'égard des systèmes pilotés par les donateurs
Apr 9, 2025
Lorsque l'administration Trump a annoncé en janvier 2025 que les États-Unis réduiraient le financement de l'USAID aux "partenaires non stratégiques", l'onde de choc a frappé durement toute l'Afrique de l'Est. Le Kenya, l'Ouganda, la Tanzanie, le Rwanda et le Burundi, des nations qui jonglent déjà avec des systèmes de santé surchargés, sont maintenant aux prises avec les conséquences d'une dépendance de longue date à l'égard des donateurs.
Les services essentiels sont paralysés. Les cliniques sont fermées. Et les travailleurs.euses de la santé, qui constituent l'épine dorsale de nos soins, sont licencié.e.s par milliers.
"Lorsque les donateurs étrangers se sont retirés, ce ne sont pas les programmes qui se sont effondrés, mais les ressources vitales de nos communautés" , Kenya Medical Practitioners, Pharmacists and Dentists Union (KMPDU), mars 2025.
Engagements budgétaires et réalité : La Déclaration d'Abuja trahie, sauf au Rwanda
En 2001, les dirigeants africains se sont engagés à allouer au moins 15% de leur budget national à la santé dans le cadre de la Déclaration d'Abuja. Au début de l'année 2025, seul le Rwanda a honoré cet engagement. Selon la déclaration de politique budgétaire du Rwanda 2025/2026, publiée par le ministère des finances et de la planification économique en mars 2025, le Rwanda alloue désormais 15,1% de son budget national à la santé. C'est le premier et le seul pays de la Communauté d'Afrique de l'Est à atteindre le critère d'Abuja.
Ailleurs, les chiffres sont très différents : Le Kenya n'alloue que 7,4% de son budget à la santé, malgré des décennies de pression de la part des syndicats de la santé et de la société civile ; l'Ouganda se situe à 6,9% et dépend fortement des programmes de lutte contre le VIH et de santé maternelle soutenus par les donateurs ; la Tanzanie a atteint 9,1%, mais les allocations sont encore insuffisantes pour répondre pleinement aux besoins en matière de santé rurale et le Burundi, avec 4,8%, reste le système de santé le plus dépendant des donateurs dans la région.
Ces chiffres ne sont pas de simples indicateurs administratifs, ce sont des décisions politiques qui ont des conséquences sur la vie et la mort.
Le coût humain : les travailleurs.euses de la santé en première ligne
Au Kenya, plus de 3 500 travailleurs.euses de la santé lié.e.s à des programmes financés par l'USAID ont été touché.e.s au cours du seul premier trimestre 2025. Plus de 1 200 d'entre eux.elles ont déjà été licencié.e.s, principalement des infirmièr.e.s, des conseiller.e.s en matière de VIH et des agents de santé maternelle en poste dans des comtés vulnérables tels que Kisumu, Turkana et les quartiers informels de Nairobi.
"Le gouvernement a transféré les responsabilités, mais pas les fonds. Notre peuple ne meurt pas de la maladie, mais du déni", déclaration de protestation de la KMPDU, février 2025.
Les services de proximité s'effondrent. Les échecs thérapeutiques augmentent. Les bénévoles en santé communautaire, dont les allocations étaient autrefois financées par l'aide étrangère, se sont retiré.e.s.
En Ouganda et en Tanzanie, des histoires similaires se déroulent. Au Burundi, certains districts ruraux ont déjà suspendu les soins prénataux en raison de la pénurie de médicaments et de l'attrition du personnel. Seul le Rwanda, grâce à ses investissements publics soutenus, a maintenu ses effectifs, ses systèmes de santé numériques et sa couverture d'assurance dans les provinces rurales.
Il s'agit davantage de l'apathie nationale que de la lassitude des donateurs.
Soyons clairs : le financement par les donateurs n'a jamais été censé être le fondement de nos systèmes de santé. Il s'agissait d'un complément, d'un pont. Maintenant que le pont a disparu, la chute révèle des années de sous-investissement et de négligence politique.
"Est-ce trop demander que le Kenya dépense plus pour les hôpitaux que pour les autoroutes ? Qu'il honore Abuja de la même manière qu'il honore les remboursements de la dette", communiqué de presse du KMPDU, avril 2025.
Ce qu'il faut faire : Une nouvelle ère pour la gestion de la santé publique
Pour éviter un effondrement total et construire des systèmes résilients appartenant aux personnes qu'ils servent, les pays devraient envisager les trois mesures urgentes suivantes :
Respecter la Déclaration d'Abuja, maintenant.
Chaque pays doit immédiatement allouer au moins 15% de son budget national à la santé, avec un suivi des performances par le biais d'évaluations régionales par les pairs et de rapports publics.Reprendre la gestion de la santé publique aux ONG.
Les gouvernements doivent cesser d'externaliser les fonctions essentielles à des agences étrangères. Il est temps de réinvestir dans le leadership du secteur public, de l'approvisionnement au personnel.Garantir la protection des travailleurs.euses de la santé lors des changements de donateurs.
Aucun.e travailleur.euse de la santé ne devrait perdre son emploi parce qu'un donateur se retire. Les fonds nationaux de stabilisation doivent protéger les emplois de première ligne et maintenir les services essentiels pendant les périodes de transition.
Conclusion : La santé n'est pas un projet. C'est un droit !
Dans toute l'Afrique de l'Est, nos systèmes de santé sont mis à l'épreuve, non seulement par les agents pathogènes ou la pauvreté, mais aussi par les gouvernements et les stratégies politiques. Le retrait de l'USAID n'est pas la cause de notre crise, c'est l'élément déclencheur qui a révélé notre négligence.
Que ce soit un signal d'alarme. Investissons dans notre propre santé, protégeons nos travailleurs.euses et reprenons la gestion de systèmes qui n'ont jamais été destinés à être sous-traités. Les financements des donateurs peuvent aller et venir, mais notre personnel est là pour rester.
#PublicHealthIsPublicWealth | #AbujaNow | #HealthWorkersMatter
Références
Déclaration de politique budgétaire du Rwanda 2025/2026 - Ministère des finances et de la planification économique (MINECOFIN); Déclaration d'Abuja sur le financement de la santé - Union africaine, 2001; Kenya Medical Practitioners, Pharmacists and Dentists Union (KMPDU) - Communiqués de presse; USAID Kenya & East Africa - Health Programs Overview; WHO Global Health Expenditure Database - East Africa; Communauté de l'Afrique de l'Est - Priorités d'investissement dans le secteur de la santé 2024-2028; UNICEF Afrique orientale et australe - MCH Service Tracker, Q1 2025; Fonds mondial - Transition & Sustainability Guidance (2024 Update); Kenya Health NGO Network (KHEN) - Impact of Donor Transition on County Health (March 2025); Uganda Ministry of Health - Community Health Worker Sustainability Brief (Feb 2025); Tanzania Health Equity Network (THEN) - Health Worker Budget Review Q1 2025; Rwanda Biomedical Centre - NHSSP Mid-Term Review (Jan 2025) ; Burundi Civil Society Health Platform - Alert on Service Disruption (March 2025)
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